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Kaliuchja
23 janvier 2014

A Kali, pour s'émerveiller de la Vie qui est vous

Lundi soir, j’ai eu 15 ans.

Depuis lundi soir, j’ai 15 ans.

Si je n’avais pas eu l’adolescence que j’ai eue, 15 ans aurait été l’âge le plus insouciant de toute ma vie.

En vrai, dans ma tête j’ai 30 ans.

Mais depuis lundi soir, j’en ai 15 de moins.

 

Parce qu’à 15 ans, « normalement », l’avenir c’est dans une heure, tu repousses à après demain ce que tu n’as pas envie de faire et comme demain est abstrait, tu sais que tu ne le feras pas. Parce qu’à 15 ans, tu fais des trucs dans ta vie que quand tu arrives à 40 ans, si tu t’en souviens, tu te dis putaiiiiiiiiiin !!!! j’ai fait ça moi ?

 

Je suis allée suivre la conférence d’un grand, un très grand homme. Pas si grand que ça dans la réalité, mais un très grand homme.

 

Si tu me lis depuis longtemps, tu sais que je suis une dévoreuse de livres. Bientôt, je vais devoir faire comme les joueurs pour les Casinos, je vais devoir me faire interdire de librairie. A moins que ce ne soit mon banquier qui le fasse pour moi ….

 

Et bien lundi soir, j’ai rencontré un grand homme. Qui a écrit des dizaines et des dizaines de livres.

 

Et quelques uns de ses livres ont sauvé ma vie de femme, de compagne, de mère.

Et en vrai, je dois le dire, il a aussi un peu sauvé la vie de mes enfants.

 

Et lundi soir, il a fait une conférence chez nous. Oui, sur notre petite île. Ce grand Monsieur traduit dans plus de 20 langues, décoré, je le cite, par deux présidents de droite et de gauche, ce grand Monsieur est venu chez nous.

 

Et moi, dès que je suis rentrée dans la salle, je frétillais comme une gamine de 15 ans.

 

Après quelques minutes de présentation, il a demandé à quelques personnes de monter sur la scène.

Alors tu imagines, la salle pleine de monde, on est tous là pour l’écouter parler de nous, de nos gosses, de comment les aider à grandir, à aimer, à nous quitter … et il nous demande de monter sur la scène, à côté de lui.

 

La Kali de plus de 20 ans ne serait JAMAIS montée sur scène. Celle de 30 ans non plus d’ailleurs. Pas plus que celle de 40. ET NON JE N’AI PAS ENCORE 50 ANS !

 

Mais celle de 15 ans, si elle avait pu vivre ses 15 ans comme tous les ados de 15 ans devraient vivre leurs 15 années de vie, celle de 15 ans, elle serait montée.

 

Et lundi soir … oui bon ok je te l’ai dit, j’avais 15 ans.

Je suis montée sur la scène, ne me demande pas pourquoi. Mais lorsqu’il a fait cet appel au public, je me suis levée, déterminée comme je n’aurais jamais pensé l’être. Je me suis levée et je me suis magnée de grimper les marches qui me menaient à lui avant qu’une autre ne vole cette place à ses côtés qui me semblait vitale.

 

Il faut que je te dise que j’ai passé de sales moments et je sais hélas, qu’il y en aura d’autre. J’ai repensé à ce proverbe chinois je crois, qui dit que lorsque tu arrives au fond du trou, il faut que tu arrêtes de creuser.

 

Jusqu’à lundi soir, je creusais et creusais sans cesse et je n’en voyais pas le fond.

Et là, me voilà sur la scène, aux côtés de cet homme qui a tant fait pour moi, comme il a du tant faire pour d’autre et qui ne le sait même pas.

 

Ce qui est cool dans ces cas là, c’est que tu as les lumières dans la tronche et du coup, tu ne vois pas le public. Tu n’as que des lumières qui t’aveuglent et …. Ce grand homme là, à porté de main.

 

Et je me suis amusée comme une gamine, comme si je jouais dans une pièce de théâtre.

 

Non. En vrai, je me suis amusée comme une gamine de 15 ans en le dévorant du regard. Comme si je voulais remplir mes yeux de son visage pour qu’il ne disparaisse jamais.

 

Si tu veux savoir ce qu’il a raconté, tu n’as qu’à t’offrir son dernier bouquin « ferveur de vivre » ou aller à l’une de ses conférences, je ne suis pas là pour lui faire de la pub.

 

Sur scène, j’ai oublié le public et même les autres personnes qui étaient montées avec moi. Je buvais ses paroles, parce que cet homme est un grand conteur. Je retenais mes larmes parce que ses mots me bouleversaient.

 

Lorsqu’il nous a remerciés pour notre magnifique prestation (tenir des pancartes et se tourner quand il nous y obligeait en posant sa main sur nos têtes pour les faire pivoter) j’ai posé ma pancarte … ma pancarte, c’était « LA VIE ». Et je le prends comme un signe d’avoir eu cette pancarte dans les mains, LA VIE, pendant quelques minutes. J’ai posé ma pancarte donc, et je me suis penchée vers lui et j’ai attrapé sa main pour la serrer.

 

Putain j’étais aux côtés d’un des écrivains que j’ai le plus adoré lire et EN PLUS je lui ai serré la main.

 

Ok, c’était pas Bono, faut pas que déconner. En même temps, Bono est un chanteur. Mais là j’étais dans mon trip psycho tu vois. Non parce que si j’étais montée sur scène aux côtés de Bono …

1 – Je ne me serai certainement pas contentée d’une poignée de main

2 – Je serais en REA à l’heure qu’il est et je ne pourrais pas t’écrire cette note.

 

Donc j’ai repris ma place comme une gamine de 15 ans, en sautillant comme une gamine de 15 ans, en chantonnant j’étais-à-côté-de-lui-putain-il-a-posé-sa-main-sur-ma-tête-putain-je-suis-trop-heureuse-JE-LUI-AI-SERRE-LA-MAIN-PUUUUUUTAIIIIIIIN !

 

Alors après ça forcément, quand tu me regardes, pas une seconde tu ne peux imaginer que j’ai survécu à l’enfance que j’ai eue. Aux mecs que j’ai quitté. Que j’ai élevé deux enfants (dont un en cours) que j’aime à la folie l’homme qui ensoleille ma vie. Que j’ai eu un poste à responsabilité. Que j’ai hurlé sur des bonhommes qui faisaient trois têtes et demi de plus que moi. Que j’ai un jour causé de ma vie et écouté celle de notre préfet … sans savoir que je parlais à notre préfet, certes, mais j’ai quand même causé avec lui.

 

Ouaich. Quand tu me vois après ça, tu t’inquiètes. Mais ce n’est pas grave, tu t’y feras.

 

Le truc chiant dans ces moments là, c’est que ce qu’il raconte te remue tellement que tu peux en pleurer.

 

Et je peux te dire que dans une salle bondée. Avec un mec qui capte l’attention de son public à un point que tu n’entends même une mouche péter ….. ben c’est galère pour te moucher discrètement.

 

Oui, j’ai beaucoup pleuré, toutes les larmes que j’avais encore en moi, lorsqu’il a raconté sa fille ado qui était en échec scolaire depuis plus de deux ans, et qu’il a dit ne plus avoir vu sa fille durant ces années. Non. Il ne la voyait plus. Pourtant, elle était là sa fille, tous les jours à grandir à ses côtés. Mais il ne la voyait plus. Il ne voyait que son échec.

Et ça tu vois, ça, je l’ai vécu avec Planeuse. Quand elle était en troisième et se contentait de faire acte de présence. Ces deux années de troisième qu’elle a passé, à mes côtés, en total échec scolaire (faut quand même pas oublier qu’elle était « à la rue » à 16 ans ma gosse) ces deux putains d’années …. Je n’ai pas vu ma fille grandir, devenir une belle ado, tomber amoureuse …. Je n’ai vu que son échec.

Toute ma douleur de maman a explosé. Toute ma culpabilité de mauvaise mère a explosé. Je sanglotais et je ne l’écoutais plus. Je revoyais Planeuse, que j’avais planquée derrière son putain d’échec ….

 

Bon. L’histoire se termine bien aujourd’hui, puisqu’on sait que Planeuse a rebondit, a décroché son bac et continue ses études. N’empêche …. Pendant deux ans ….

 

Il y a un truc que j’adore chez cet homme (parmi les milliers de choses que j’adore chez lui) c’est que jamais il ne va te culpabiliser. Ja-mais. D’abord parce que je pense qu’il se doute bien qu’on n’a pas besoin de lui pour culpabiliser, qu’on est assez grand pour le faire tout seul, sans son aide. Ensuite parce que c’est un grand conteur et qu’il n’a peut être pas vécu tout ce qu’il raconte avoir vécu mais … il a une putain de façon de le raconter que t’as l’impression qu’il raconte TA vie. Enfin parce que je suis intimement persuadée que cet homme, il est foncièrement bon.

 

Et tu sais que moi j’ai un putain de problème avec le jugement.

Ben lui non, il ne juge pas.

 

Ce qui est étrange, c’est que le sujet de sa conférence tournait autour du statut de parent.

Mais moi, je n’ai pas entendu QUE son discours sur les parents.

J’ai entendu son discours sur la vie.

 

Moi qui sentais ma vie si vide de toute vie. Moi qui ne ressentais ces derniers mois qu’un immense vide en moi, j’ai entendu ce soir là un message sur la vie.

 

En sortant, j’ai fait un autre truc que la Kali que je connais n’aurais jamais fait. J’ai acheté son dernier livre. Enfin si, la Kali que je connais aurait acheté son dernier livre.

 

Mais la Kali que je connais n’aurait pas poiroté trois plombes pour acheter son bouquin, sachant qu’elle pouvait le trouver le lendemain dans la première (et unique) librairie de la ville sans faire la queue, sans se faire piquer sa place, sans se faire bousculer ….

 

Et tu sais pourquoi je tenais tant à acheter son livre ?

Parce qu’après, j’ai fait à nouveau la queue trois plombes, à me faire piquer ma place, à me faire bousculer …. Pour me retrouver en face de lui, ce grand homme, et pour qu’il signe mon livre tout nouveau tout beau.

 

Kali-15-ans attendait en trépignant son petit mot rien qu’à elle.

Et le moment attendu est arrivé.

 

Kali-15-ans a posé son livre amoureusement sur la table.

Il a levé ses yeux doux sur moi.

 

-       Comment vous appelez-vous ?

-       Kali

-       Oh ! joli prénom !

-       Merci, mais il faut féliciter mes parents, ce sont eux qui l’ont choisi

 

Et là tu sais quoi ? et là il a levé les yeux vers moi à nouveau.

 

-       Kali, allez voir vos parents et pardonnez-leur.

J’ai ravalé un sanglot amer.

 

-       Et bien mon père, je vais avoir du mal à aller le voir, il est mort depuis presque un an.

-       Et bien allez sur sa tombe. Et pardonnez-lui.

 

Je n’ai pas répondu. Je n’ai ni l’intention d’y aller, ni l’intention de pardonner. Je lui ai juste souri.

 

Et je lui ai demandé …. Putain j’en reviens pas d’avoir fait ça moi !!!! je lui ai demandé ….

 

-       Je peux vous embrasser ?

 

Il a éclaté de rire et il s’est levé. Il m’a prise dans ses bras et a posé un baiser sur chaque joue.

 

Je lui ai murmuré à l’oreille que je le remerciais pour tout ce qu’il apportait, ce qu’il m’apportait.

 

Bon ok. Si Bono m’avait embrassée …

1- je ne lui aurais pas tendu la joue, crois moi.

2 – Je serais en REA à l’heure qu’il est et je ne pourrais pas t’écrire cette note.

 

Putain mais je ne me reconnais pas. Je n’en reviens pas de ce culot que j’ai eu ce soir là.

 

Et depuis, crois moi si tu veux, je me sens beaucoup mieux. Parce que sa conférence m’a fait autant de bien qu’elle m’a bouleversée. Parce que je lis son livre et que je crois lire mon histoire. Et que je ne me sens ni jugée ni victimisée, j’invente les mots que je veux.

 

Parce que je veux « donner encore et encore plus de vie à la Vie »

 

Parce que ce qui suit est exactement l’état dans lequel je me sens en ce moment

 

« Nous sommes en permanence entre errance et besoin de nous fixer, entre interrogation et certitude, entre doute et accueil de l’imprévisible, entre passivité et créativité, entre lassitude et dépassement de soi. » Jacques Salomé

 

Putain maintenant j’ai une pêche d’enfer.

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Commentaires
V
Un livre de chevet dès qu’on l’ouvre il nous éclaire.<br /> <br /> Aussi nous le gardons précieusement, jamais trop loin pour le cas où le chemin viendrait à s’obscurcir.<br /> <br /> Et vous, vous avez rencontré en vrai et parlé à votre Faiseur de lumière.<br /> <br /> Vous avez de la chance…
A
Il est venu dans ma ville il y a quelques années et oui, c'est un grand monsieur ! J'ai très souvent utilisé sa façon d'imager les relations (moi aussi j'invente, t'as vu !) et je suis toujours étonnée du résultat. <br /> <br /> Je suis si contente que tu ailles mieux. <br /> <br /> Au fait, pour ton addiction, il y a une solution : une bibliothèque, mais peut-être que sur l'île, c'est plus compliqué ?
E
C'est un auteur que j'ai beaucoup lu mais que j'avais un peu oublié, je cours chez mon libraire commander les derniers ! Merci..
M
Tu me donnerai envie d'avoir à nouveau 15 ans... pour oser comme tu l'as fait.<br /> <br /> Et comme tu as bien fait !
D
Très belle émotion en lisant ton billet- je suis contente que tu aies trouvé un apaisement, et peut être des réponses à tes questions.<br /> <br /> (ton absence m'a manqué)<br /> <br /> Bises
Kaliuchja
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